La messagerie : un outil à maîtriser sous peine d’envahissement
La messagerie revêt deux formes : logicielle ou instantanée. Le stress et les troubles psychosociaux qui en sont la conséquence sont souvent liés à la surcharge de travail. Il s’agit d’un sujet de plus en plus prégnant dans l’activité professionnelle.
Les technologies se sont succédé avec pour ambition de diminuer les tâches répétitives, de gagner du temps, de diminuer la pénibilité (entre autres). Elles y sont parvenues pour beaucoup de nos pratiques. De la production robotisée, de la dématérialisation, de l’automatisation des tâches …les outils à disposition du travail permettent de gagner en productivité et en confort.
L’outil ne saurait donc être responsable de quoi que ce soit. Seuls les usages peuvent poser des problèmes.
Et s’il y a un outil qui catalyse les défauts d’usage ; c’est bien la messagerie. D’un outil de communication formidablement efficace, il est devenu pour beaucoup un outil de travail envahissant, intrusif et terriblement stressant.
Comment l’usage de cet outil a-t-il généré autant d’effets négatifs. Cet article explore les causes, les conséquences et les solutions possibles pour mieux gérer la surcharge de travail liée à la messagerie.
Les causes d’une surcharge de travail due à la messagerie
Identifions quelques causes qui génèrent cette surcharge de travail
La réactivité comme critère de performance
La culture de l’immédiateté incite les employés à répondre le plus rapidement possible, même lorsque les demandes ne sont pas urgentes. D’ailleurs, selon une étude Mailoop (1) 52% des mails reçoivent une réponse en moins d’une heure. Cette pression à être réactif entraîne un phénomène d’interruptions fréquentes dans le travail, réduisant la productivité globale. De plus, les réponses précipitées peuvent entraîner des erreurs ou des malentendus ; ce qui engendre des échanges de vive voix pour régler des « conflits écrits ».
Messagerie = une disponibilité permanente
La messagerie électronique et les applications de communication comme Teams permettent d’être joignables en permanence, que ce soit au bureau, en déplacement ou même à domicile. Ajoutons que les messageries instantanées n’ont pas permis une désinflation du nombre de mails.
Et cette accessibilité peut être une source d’angoisse, car il devient difficile de se déconnecter. Ainsi, la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle est de plus en plus poreuse, contribuant ainsi à un stress supplémentaire.
L’inflation du nombre de messages
La facilité d’envoi des e-mails et des messages instantanés a conduit à une inflation du nombre de communications. Désormais, les employés se retrouvent souvent submergés par une avalanche de notifications, de courriels à traiter et de discussions à suivre. Cette surcharge d’informations rend difficile l’identification des priorités et le maintien de la concentration sur les tâches à forte valeur ajoutée. Ainsi, lors d’une formation auprès d’une dizaine de cadres d’une grande société, nous avons compté une moyenne de 70 mails reçus par jour. Après calcul entre le traitement nécessaire, la simple lecture et la rédaction de mails transmis, c’est près de 3h30 par jour consacrées à la gestion de la messagerie.
Conséquences liées à la surcharge de travail
La baisse de la productivité
Les interruptions causées par la messagerie fragmentent le temps de travail. En effet, les études montrent qu’il faut en moyenne 23 minutes pour retrouver une concentration optimale après une interruption. Lorsque les notifications s’accumulent, les employés passent plus de temps à gérer leur boîte de réception qu’à effectuer des tâches productives. Cela génère une perte d’efficacité et peut retarder l’avancement des projets.
Imaginez une boite aux lettres physiques que l’on irait ouvrir 30 ou 50 fois par jour ; nous serions pris pour des fous !
Le stress et l’épuisement professionnel
La pression pour rester constamment connecté et répondre rapidement peut conduire au stress, à l’épuisement mental et à une dégradation notable de la qualité de vie au travail. Cette situation contribue également à l’apparition du burn-out dont il est difficile et long de se remettre. De ce fait, les salariés se sentent souvent débordés, avec l’impression de ne jamais pouvoir « terminer » leur journée de travail. Le lendemain n’est plus un nouveau jour mais une possibilité de rattraper le travail en retard.
Une relation humaine plus conflictuelle avec la messagerie
Le flot constant de messages est souvent la conséquence d’une volonté de traçabilité. Une traçabilité protectrice au cas où (on ne sait pas quoi exactement) et une communication écrite qui abolit souvent les nuances. Les employés ont tendance à privilégier la rapidité sur la qualité. Une rapidité qui peut entraîner des malentendus, des conflits ou des décisions prises sans suffisamment prendre le temps de la réflexion. Une forme de déshumanisation est ainsi créée. Tandis que le dialogue de visu permet davantage d’approfondir les sujets, de confronter les points de vue sans les envenimer.
Alors, comment alléger la surcharge de travail liée à la messagerie ?
Usage de la messagerie: instaurer des règles d’utilisation communes
Les entreprises doivent mettre en place des lignes directrices concernant l’utilisation des messageries électroniques et instantanées. Par exemple, il est possible de définir des horaires pendant lesquels les employés ne sont pas censés répondre aux messages (sauf en cas d’urgence évidemment). Cela permet de limiter les interruptions et de favoriser la concentration sur des périodes de travail plus longues.
De même, il est possible à l’émetteur de prioriser l’urgence du message en utilisant uniquement les messageries instantanées, de limiter les destinataires (particulièrement ceux en copie).
Utiliser les outils numériques à bon escient
Les technologies permettent de gérer les messages de manière plus efficace, à condition de les utiliser « intelligemment ». Par exemple, les employés peuvent désactiver les notifications pour se concentrer sur des tâches importantes. Ou encore utiliser des outils de gestion des priorités pour d’une part trier les mails en fonction de leur urgence et d’autre part créer des règles. L’idée est de désengorger la messagerie.
Encourager la culture de la déconnexion
Les entreprises doivent promouvoir une culture de la déconnexion. Par exemple en incitant les employés à prendre des pauses régulières et à se déconnecter après les heures de travail. Le droit à la déconnexion, déjà inscrit dans la législation, devrait être davantage valorisé et respecté pour permettre aux employés de récupérer et de préserver leur bien-être.
Former les employés à la gestion des mails et du temps
Des formations sur la gestion efficace des mails et l’organisation du temps de travail peuvent aider les salariés (collaborateurs et managers) à adopter de meilleures pratiques. Il est important d’apprendre à :
- Différencier l’urgent de l’important ;
- Planifier des plages horaires spécifiques pour la consultation des messages ;
- Privilégier les discussions en face-à-face ou les appels téléphoniques pour les sujets complexes.
Conclusion
La surcharge de travail liée à la messagerie est une réalité incontournable dans le monde moderne, mais elle n’est pas une fatalité.
Il est possible de réduire les effets négatifs de cette surcharge :
- Adopter des pratiques de communication plus réfléchies ;
- Encourager la culture de la déconnexion et
- Sensibiliser les employés à l’importance de la gestion du temps.
Cela passe par un effort collectif, aussi bien des employés que des employeurs, pour instaurer un environnement de travail plus sain et plus productif.
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Sources : (1) Article du magazine Capital